La trahison d’Einstein

C'est l'après-midi d’une belle journée ensoleillée en 1934. Un clochard est assis sur le rivage d'un petit lac près de Princeton, New Jersey. Il voit un homme avec les cheveux touffus qui avec peu de succès essaye de faire escale d’un voilier. Après un certain temps l'homme retrouve de la terre sous ces pieds et les deux commencent à converser.

Pourquoi consacrez-vous à un sport pour lequel vous êtes aussi peu doué comme un éléphant dans un ballet ? Demande le clochard.

J'aime quand les choses résistent, répond l'homme avec les cheveux touffus.

Ah, dans ce cas vous avez fait le bon choix.

À faire de la voile me repose. Comme de jouer du violon.

Ah, vous torturez des instruments de musique aussi ?

Aucun des compositeurs que j'ai interprétés ont protesté.

C'est parce qu'ils sont morts depuis longtemps.

Hum. Et que faites-vous pour vous détendre ?

Rien. Je suis déjà détendu. De tout. Mais pourquoi n’avez-vous pas de chaussettes ?

Aucune chance. Mes gros orteils aiment trop la liberté.

Il s'avère bientôt que le clochard et l'homme avec les cheveux touffus ont des opinions différentes de tout, mais en conversant les deux se sentent quand même bien. Grâce à leur discussion, on peut suivre l'histoire de le pacifiste Einstein qui contre son gré est devenu l'initiateur des armes nucléaires.

Le 2 Août, 1939 Einstein reçoive la visite à son domicile de Long Island par un vieil ami et compagnon, le physicien d'origine hongroise Leó Szilárd. Ils ont déjà travaillé ensemble et développé une série de brevets pour améliorer le réfrigérateur à absorption. Ces brevets ont été acquis par Electrolux afin de ne pas menacer son position dominante et enterrés dans un tiroir. Mais, cette fois ici, la visite concerne une chose beaucoup plus grave.

Szilárd explique que depuis qu'il a été découvert que les atomes d'uranium peuvent être divisés par des neutrons dans une réaction à chaine, la possibilité de construire des armes nucléaires existe. Ça sera des bombes des dizaines de milliers fois plus puissants que des explosifs conventionnels. Si l'Allemagne nazie aurait accès à ces armes de destruction massive, il sera un désastre pour le monde libre.

Szilárd a rédigé une lettre au président Roosevelt dans laquelle il lui exhorte de mettre tout en œuvre pour les États-Unis de développer une bombe atomique avant les Allemands. Mais, pour que la lettre soit prise au sérieux, il faut la signature d’Einstein, le plus célèbre physicien du monde.  

Que doit Einstein faire ? Une signature serrait en contradiction avec ses convictions pacifistes. Pourtant, Einstein décide que de combattre le nazisme dans cette situation est le plus important. Il signe la lettre.

Au fil du temps la lettre tombe dans les mains de président Roosevelt mais il faudra attendre 1942 avant que le projet Manhattan démarre. Trois années plus tard, la première bombe d’uranium est prête. Cependant, la guerre en Europe est déjà terminée. L'Allemagne a capitulé. Il s'avère que le programme nucléaire allemand n’a jamais abouti.

La second Guerre mondiale est terminée ! S'exclame le clochard.

Je ne sais pas comment se terminera la troisième guerre mondiale, mais je sais qu'il y aura aucune qui nous peut parler de la quatrième. Quelle trahison ! Nous avons construit une arme pour vaincre les nazis et ainsi Truman la jette sur les Japonais. Roosevelt n'aurait jamais fait une telle chose.

La trahison d’Einstein est un livre écrit par Eric-Emmanuel Schmitt, 154 pages à 12 €.

Jusqu’au 30 mars il est aussi joué à Théâtre Rive Gauche à Paris.